Le plongeoir
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Je vais sortir.
Je n'aurai plus sous mes pas la piste verte pour les guider.
Il n'y aura plus de murs autour de moi. Plus de fenêtres closes. Plus de blouses.
J’abandonne à leur sort mes petits camarades de dérive.
Nous échangeons quelques "salut ! " rapides.
Il y a dans les regards de certains une lumière inhabituelle : On peut donc sortir d’ici !
- Salut Monsieur l'instituteur.
- Salut Christelle.
J'avais peur d'entrer.
Je suis terrorisé à l'idée de sortir.
Je vais devoir devoir de me débrouiller sans ces garde-fous si confortables et rassurants.
La faculté en a ainsi tranché : je suis de nouveau apte à affronter la vie.
Je suis jugé capable de me reconstruire.
Je ne constitue plus un danger pour moi-même.
Enfant, un copain plus intrépide que moi m'avait poussé à grimper sur le plongeoir de cinq mètres de la piscine que nous féquentions tous les deux. Lui-même avait déjà sauté et m'exortait à en faire autant.
- Vas-y ! Tu vas voir c'est super ! gueulait-il à peine réapparu à la surface.
J'étais debout, à l'extrème bord de la plate-forme, les yeux fixés sur le fond du bassin environ dix mètres plus bas.
Mon coeur cognait comme un fut de deux cents litres martelé par un batteur du Bronx doppé au crack.
On avait coulé du ciment dans mon estomac.
Debout devant la porte à double battant j'éprouve quelque chose de semblable multiplié par dix.
- Vas-y, je te dis. Si je l'ai fait t'es capable de le faire aussi ! poursuivait mon pôte remonté à côté de moi.
C'était un malin mon pote Michel. Beaucoup plus malin que moi sans aucun doute. Le genre qui, malgré ces dix ans à peine, avait cerné de près mes qualités comme mes défauts. Instinctivement, il se mit alors à jouer sur ma corde sensible : ma vanité, mon orgueil, ma volonté de toujours paraitre plus balaise que je ne le suis.
- Si quelqu'un se noyait, là en bas, poursuivit-il, tu sauterais, pas vrai ?
Immédiatement, je fis le pas en avant qui me jeta dans le vide.
Le souvenir de ces instants cachés au fond de ma mémoire me revient alors que je suis immobile devant la porte qui mène sur le palier où s'ouvre l'ascenseur.
D'un geste qui se veut décidé, je la pousse.
J'appelle l'ascenseur et y prends place avec ma compagne.
Nous descendons.
Nous quittons le bâtiment.
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