On vous avait prévenus !

Publié le par bienvenuechezlesfous

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Nathalie n'est plus qu'une oreille.

Nathalie attend.

François 1er se marre en douce dans son coin.

Mamie se fossilise en silence.

Il faut sauter. Je ne risque rien de bien grave au fond, j'ai un élastique. Je peux juste me faire un peu peur ou un peu honte, mais je ne peux pas me faire mal.

Je ne sais rien de François 1er, à part son triton, ses célèbres saillies, une histoire de drap d'or, je crois, mais je ne suis pas trop sûr. Le Collège de France, l'ordonnance Villers-Cotterêts imposant l'emploi du français dans les actes officiels. Tout cela ne va pas très loin. Et si je racle mes fonds de mémoire, je ramène, sans grande certitude 1515 et Marignan contre les Suisses. Bernard Palissy, quelques châteaux sur la Loire, quelques poèmes galants, et un certain Léonard de Vinci, tout de même, sur lequel je pourrai facilement gloser, avec ses inventions, sa musique, ses dessins au fusain visionnaires et son goût pour les jolis modèles masculins longilignes à la peau douce et diaphane.

Je doute néanmoins que cela intéresse beaucoup Nathalie et, qui plus est, je n'ai pas la moindre envie de lui faire la leçon.

Je ne veux plus enseigner.

Je ne suis plus instit.

Je suis un pyjamiste enfermé qui tremble comme un alcoolique en phase terminale et qui sursaute au plus petit bruit imprévu.

Je ne vaux plus rien.

Le bouquin comporte une espèce de vague prologue avant le début du premier chapitre de l'aventure proprement dite.

C'est assez convenu pour un prologue d'être au début et pour le moment cela me convient très bien. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la renaissance sans avoir osé le rêver. Chic alors. François s'est approché de nous. Il s'est assis en face de moi pour jouir de l'événement en close up et se payer ma fiole plus à son aise. Ta gueule, votre majesté ! Je voudrais bien vous y voir. J'ai promis, je me suis engagé, donc je dois tenir parole. Depuis tout petit, j'ai toujours été aussi con. J'imagine qu'on ne devient pas souverain, président, roi, empereur, pape ou grand muphti sans quelques compromissions avec sa parole et que, par conséquent tu ne dois rien comprendre à mes problèmes, donc, va chier François et lâche-moi les scrupules !

Je commence. Je lis la première ligne du prologue. J'anone serait plus exact, mais je m'applique avec une attention qui me fait plisser le front et froncer les sourcils. N'importe quel arriéré profond s'efforçant de lire des hiéroglyphes extraterrestres donnerait un aperçu de la difficulté de l'entreprise. Je parle lentement en sur-articulant comme si je m'adressais à un enfant de deux ans.

Comme dirait ma fille, tu veux pouvoir être compris par les plus cons. Oui, c'est cela, et je veux surtout être certain de comprendre moi-même ce que je déchiffre.

Je m'arrête à la fin du premier paragraphe. Quatre ou cinq lignes tout au plus. Deux phrases au grand maximum. Mon index droit a suivi ma lecture. Je dois avoir un troisième œil au bout du doigt et c'est grâce à lui que je peux suivre ces lignes avec toutes ces petites pattes de mouche.

Je tourne la tête vers mon élève.

Elle est encore là.

Elle n'a pas bougé un seul muscle.

Est-ce que, par hasard, elle aussi serait morte ? Comme mamie ?

J'explique un mot par-ci un mot par-là, au pif :

- Souverain, c'est le roi, c'est celui qui dirige le pays, celui qui commande.

Est-ce qu'elle me comprend ? Est-ce qu'elle aussi comprend soudain que je suis naze ? Ta gueule François ! Je t'ai déjà dit d'aller jouer dans le bac à sable avec ta bitte et ton armure d'apparat.

- Régner, ça veut dire commander. C'est le souverain qui commande.

La ferme, François !

Si ça continue, tu vas finir par te pisser dans les solerets et ça rouille.

- Place fortifiée : C'est les vieux châteaux, les châteaux forts. Conquête : C'est quand on envahit un pays…

Mais bouge, nom de dieu ! Dis quelque chose ! Tu comprends ce que je dis ? Y a quelqu'un dans la boite ?

Je continue. Foutu pour foutu, je serai au moins en paix avec ma conscience.

Deuxième paragraphe, toujours avec l'index droit.

Sa majesté est tombée de sa chaise avec un énorme bruit de casseroles et est secouée de spasmes entre lesquels elle essaie de reprendre son souffle.

J'explique à nouveau. Je suis la version minimaliste de Maître Capello.

- La cour : C'est tous les gens qui vivent avec le roi. Des nobles, des valets, des servantes, des call girls. Non, elles ne devaient pas encore s'appeler en anglais à l'époque. On va plutôt dire des putes, des courtisanes, des hétaïres.

Troisième paragraphe, quatrième.

A la troisième page, le texte ne va pas jusqu'en bas.

Le rivage s'approche, et je rame, je rame, je rame. Je vais bientôt avoir des crampes dans les bras et les épaules de Stallone à sa grande époque.

Nom d'une pipe, il faut amener sa majesté en réa d'urgence ou elle va remourir étouffée dans sa boite de conserve. Appelez le docteur Benton et faites péter deux culots de O nég. pendant qu'on l'intube. On est dans un hôpital oui ou merde !

Dernière ligne droite avant les stands. Je termine. J'explique. J'ai fini.

Coup d'œil vers Nathalie qui ne semble pas avoir saisi que la leçon particulière est terminée.

Bouge pas. Me regarde. Attend.

Nathalie n'est plus qu'une oreille.

Nathalie attend.

François 1er se marre en douce dans son coin.

Mamie se fossilise en silence.

Il faut sauter. Je ne risque rien de bien grave au fond, j'ai un élastique. Je peux juste me faire un peu peur ou un peu honte, mais je ne peux pas me faire mal.

Je ne sais rien de François 1er, à part son triton, ses célèbres saillies, une histoire de drap d'or, je crois, mais je ne suis pas trop sûr. Le Collège de France, l'ordonnance Villers-Cotterêts imposant l'emploi du français dans les actes officiels. Tout cela ne va pas très loin. Et si je racle mes fonds de mémoire, je ramène, sans grande certitude 1515 et Marignan contre les Suisses. Bernard Palissy, quelques châteaux sur la Loire, quelques poèmes galants, et un certain Léonard de Vinci, tout de même, sur lequel je pourrai facilement gloser, avec ses inventions, sa musique, ses dessins au fusain visionnaires et son goût pour les jolis modèles masculins longilignes à la peau douce et diaphane.

Je doute néanmoins que cela intéresse beaucoup Nathalie et, qui plus est, je n'ai pas la moindre envie de lui faire la leçon.

Je ne veux plus enseigner.

Je ne suis plus instit.

Je suis un pyjamiste enfermé qui tremble comme un alcoolique en phase terminale et qui sursaute au plus petit bruit imprévu.

Je ne vaux plus rien.

Le bouquin comporte une espèce de vague prologue avant le début du premier chapitre de l'aventure proprement dite.

C'est assez convenu pour un prologue d'être au début et pour le moment cela me convient très bien. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la renaissance sans avoir osé le rêver. Chic alors. François s'est approché de nous. Il s'est assis en face de moi pour jouir de l'événement en close up et se payer ma fiole plus à son aise. Ta gueule, votre majesté ! Je voudrais bien vous y voir. J'ai promis, je me suis engagé, donc je dois tenir parole. Depuis tout petit, j'ai toujours été aussi con. J'imagine qu'on ne devient pas souverain, président, roi, empereur, pape ou grand muphti sans quelques compromissions avec sa parole et que, par conséquent tu ne dois rien comprendre à mes problèmes, donc, va chier François et lâche-moi les scrupules !

Je commence. Je lis la première ligne du prologue. J'anone serait plus exact, mais je m'applique avec une attention qui me fait plisser le front et froncer les sourcils. N'importe quel arriéré profond s'efforçant de lire des hiéroglyphes extraterrestres donnerait un aperçu de la difficulté de l'entreprise. Je parle lentement en sur-articulant comme si je m'adressais à un enfant de deux ans.

Comme dirait ma fille, tu veux pouvoir être compris par les plus cons. Oui, c'est cela, et je veux surtout être certain de comprendre moi-même ce que je déchiffre.

Je m'arrête à la fin du premier paragraphe. Quatre ou cinq lignes tout au plus. Deux phrases au grand maximum. Mon index droit a suivi ma lecture. Je dois avoir un troisième œil au bout du doigt et c'est grâce à lui que je peux suivre ces lignes avec toutes ces petites pattes de mouche.

Je tourne la tête vers mon élève.

Elle est encore là.

Elle n'a pas bougé un seul muscle.

Est-ce que, par hasard, elle aussi serait morte ? Comme mamie ?

J'explique un mot par-ci un mot par-là, au pif :

- Souverain, c'est le roi, c'est celui qui dirige le pays, celui qui commande.

Est-ce qu'elle me comprend ? Est-ce qu'elle aussi comprend soudain que je suis naze ? Ta gueule François ! Je t'ai déjà dit d'aller jouer dans le bac à sable avec ta bitte et ton armure d'apparat.

- Régner, ça veut dire commander. C'est le souverain qui commande.

La ferme, François !

Si ça continue, tu vas finir par te pisser dans les solerets et ça rouille.

- Place fortifiée : C'est les vieux châteaux, les châteaux forts. Conquête : C'est quand on envahit un pays…

Mais bouge, nom de dieu ! Dis quelque chose ! Tu comprends ce que je dis ? Y a quelqu'un dans la boite ?

Je continue. Foutu pour foutu, je serai au moins en paix avec ma conscience.

Deuxième paragraphe, toujours avec l'index droit.

Sa majesté est tombée de sa chaise avec un énorme bruit de casseroles et est secouée de spasmes entre lesquels elle essaie de reprendre son souffle.

J'explique à nouveau. Je suis la version minimaliste de Maître Capello.

- La cour : C'est tous les gens qui vivent avec le roi. Des nobles, des valets, des servantes, des call girls. Non, elles ne devaient pas encore s'appeler en anglais à l'époque. On va plutôt dire des putes, des courtisanes, des hétaïres.

Troisième paragraphe, quatrième.

A la troisième page, le texte ne va pas jusqu'en bas.

Le rivage s'approche, et je rame, je rame, je rame. Je vais bientôt avoir des crampes dans les bras et les épaules de Stallone à sa grande époque.

Nom d'une pipe, il faut amener sa majesté en réa d'urgence ou elle va remourir étouffée dans sa boite de conserve. Appelez le docteur Benton et faites péter deux culots de O nég. pendant qu'on l'intube. On est dans un hôpital oui ou merde !

Dernière ligne droite avant les stands. Je termine. J'explique. J'ai fini.

Coup d'œil vers Nathalie qui ne semble pas avoir saisi que la leçon particulière est terminée.

Bouge pas. Me regarde. Attend.

 

 

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Publié dans Litterature

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