Deal

Publié le par bienvenuechezlesfous

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         Il fait nuit.

Il doit être quelque chose comme quatre heures du matin.

Aucun bruit sur la piste.

Je suis debout devant une des fenêtres que je viens d'entre ouvrir au maximum qu'autorisent les cales de sécurité.

J'aspire l'air froid à grandes goulées.

Je me suis réveillé, il y a quelques instants. Il n'y avait à côté de moi qu'un lit vide.

Aux regards que m'ont jetés les infirmiers de nuit, je déduis que je suis un peu agité. On m'a parlé avec douceur et précaution. Je suppose qu'on ne procéderait pas autrement avec un type ayant autour du ventre une énorme ceinture d'explosifs, et à la main un détonateur électrique.

- ça va aller. Retournez vous coucher. Vous avez bien pris vos somnifères tout à l'heure ? Je vais voir si on peut vous en redonner un peu pour vous apaiser.

Je suis sorti du bureau. J'ai marché. Un tour de piste, puis un autre, avant de m'arrêter devant la fenêtre où je suis maintenant.

Une petite silhouette s'approche de moi. Je ne suis donc pas seul à être insomniaque par cette belle nuit d'hiver.

- C'est chiant de pas dormir. ça t'arrive souvent à toi ?

- Ils veulent pas me filer d'autres médocs, ces enculés !

- Moi, c'est le contraire. Ils veulent m'en remettre une dose.

- Tu fais semblant de la prendre et tu me la files.

- ça m'étonnerait que ça marche. On n'est pas à la télé.

- T'as la trouille ?

- Peut-être. Je sais pas.

- Allez, vas-y ! Ils verront rien, c'est tous des connards.

- Non. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de faire ça, de toute façon.

Fin du dialogue. Le petit bout de femme s'éloigne en traînant les pieds. Les trois ou quatre sweaters qu'elle porte les uns sur les autres ne réussissent même pas à étoffer sa pauvre carrure de chaton abandonné.

Anorexie, cela s'appelle, et c'est vrai que depuis que je suis en état de regarder ce qui se passe autour de moi, je ne l'ai  jamais vu avaler rien de plus consistant qu'un bol de thé sans sucre. Elle ne mange jamais, dirait-on, mais elle donne elle-même l'impression d'être dévorée de l'intérieur par je ne sais quel feu perpétuel qui met dans son regard un éclat fiévreux permanent. Qui sait si ce n'est pas pour cesser d'alimenter cet incendie qui la ronge qu'elle a choisi de ne plus nourrir son corps qui brûle de l'intérieur ?

Je fais encore un ou deux tours de piste avant de regagner ma chambre.

Je m'allonge et ne reprends conscience que lorsqu'une voix annonce par la porte entrouverte qu'il faut aller déjeuner.

On n'a pas eu besoin de me faire prendre la demi-dose supplémentaire.


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Publié dans Litterature

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N
La dureté du texte rend le lieu dur. ^_^
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B
<br /> <br /> Bonjour Nona<br /> <br /> <br /> Je crains malheureusement que ce ne soit la dureté du lieu qui induise du celle du texte. Un endroit où se trouvent enfermés tant de gens en souffrance est nécessairement générateur de<br /> tensions parfois difficilement soutenables. A bien y réfléchir, je ne crois pas que la dureté du texte soit à la hauteur de celle du lieu... Ou alors, je suis vraiment très bon !<br /> <br /> <br /> Au plaisir de vous lire<br /> <br /> <br /> N.D.<br /> <br /> <br /> <br />
N
J'aime ! Assez dur, mais j'aime quand même. C'est sans doute même cette dureté qui donne toute sa dimension au texte ^_^.<br /> <br /> A bientôt !<br /> Nona.
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B
<br /> <br /> Bonsoir Nona...<br /> <br /> <br /> ...et un grand merci d'avoir consacré quelque temps à mes gribouillages.<br /> <br /> <br /> Est-ce le texte qui est dur ou le lieu qu'il tente de décrire ?<br /> <br /> <br /> J'espère en tout cas que mes mots parviennent à rendre au plus juste l'ambiance si particulère de cet univers intra muros.<br /> <br /> <br /> J'espère de tout coeur que vous aurez l'occasion de me rendre de nouveau visite.<br /> <br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> <br /> N.D.<br /> <br /> <br /> <br />