Ne négligeons pas les petites victoires

Publié le par bienvenuechezlesfous

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               Ah si, tout de même, un peu, mais ce n'est pas par le bon bout :

Me voilà en train de jouer les pétomane de foire. C'est de pire en pire, ou de mieux en mieux, selon le point de vu que l'on choisira d'adopter.

Le temps passe. Il pleut comme vache qui pisse. Cela ne m'aide en rien.

Je perçois dans mon cou un écoulement humide. Il part de la commissure droite de ma bouche, s'écoule vers mon oreille avant de glisser lentement jusqu'à mon cou pour finir par former sur le drap bleu ciel une large auréole où se collent mes cheveux.

Comme un gastéropode géant, je bave.

J'entends au loin le bruit des clefs, des serrures, des portes. J'entends des voix sans visages prononcer des paroles privées de sens. J'entends des chariots que l'on pousse, des pas que l'on traîne, et des hululements stridulants d'alarmes électroniques qui s'étirent sans fin.

La pluie semble avoir cessé. Quand cela ? Je n'en sais rien. Et mon ventre s'étire toujours.

N'y suis-je point encore ? Est-ce assez dites-moi ? Je m'enfle et me travaille et gonfle comme un bœuf.

Mais qu'on me crève nom de dieu ! Et que j'en finisse une bonne fois ! Comme toujours, mes prières résonnent dans le vide. Une fois de plus, je me mets à pousser dans le tintamarre ridicule d'un chapelet de vents nauséabonds.

Cela m'apprendra  à vouloir prendre des vacances aux frais de la Sécu dans des hôtels quatre étoiles.

C'est bien fait pour moi si ma vessie finit par exploser et que je file ad patres en vomissant mes urines.

D'une main, je me triture la verge, du poing, je me martèle le ventre et je pousse de nouveau vers le bas en grimaçant davantage qu'un rugbyman Néo-zélandais en plein haka.

Je veux pisser ! Je veux pisser ! Je veux pisser !

Mentalement, je m'encourage en des termes qui expriment une rude affection : Vas-y connard, tu vas te vider oui ou merde !

Et mes efforts finissent par payer : Mon sexe se gonfle dans ma main comme un tuyau d'arrosage dans lequel le fluide s'insinue. Je ressens sur mes doigts un écoulement tiède qu'accompagne un bruissement presque champêtre. Un léger glouglou encore tout hésitant, mais qui ne tarde à s'affirmer en un épanchement libérateur.

Quel bonheur ! Apprenons à goûter à leur juste valeur les petits plaisirs simples du quotidien terrestre. Je me vide, quelle joie ! C'est bon comme un orgasme. Ma panse se dégonfle avec un ineffable soulagement. Le ballon brûlant qui me pesait sur les entrailles s'allège tandis qu'irradie en moi une onde de fraîcheur bienfaisante.

Je souffle avec la même amplitude empressée qu'un sprinter venant de passer la ligne.

J'ai survécu à l'épreuve. Plus rien ne compte que la félicité de ce calvaire qui vient de prendre fin.

 Je ferme les yeux. Je ne bouge pas. Je sens entre mes jambes le flacon chaud comme une bouillotte. C'est primaire mais indéniablement agréable. Ma respiration finit par s'apaiser tandis que coule dans mes yeux la sueur brûlante de mon front. ça pique.

Toujours, je demeure immobile, comme figé par la crainte que mon premier mouvement suspende la douceur où je flotte.

Du temps s'écoule avec lenteur.

Je n'entends rien.

Je dors.

J'entends des voix.

Où suis-je ?

Suis-je mort ?

Pourquoi ne puis-je pas bouger ?

Suis-je allongé ou bien debout ?

Fait-il jour ou est-ce la nuit ?

Est-ce que mes yeux sont ouverts ?

Je ne comprends rien.

Que se passe-t-il ?

J'ai peur.

Des formes floues comme des fantômes évoluent autour de mon corps dans un inquiétant silence.

J'essaie d'appeler. Je pousse des cris muets dans un cauchemar éveillé : Qui êtes-vous ? Ne me touchez pas ! Où suis-je ?

Les spectres incertains poursuivent leur chorégraphie silencieuse.

Combien sont-ils ? Que veulent-ils ?

L'un d'eux s'approche de mon visage au point que sa face nébuleuse occupe la totalité de mon champ de vision. C'est marrant : Je ne savais pas que certains ectoplasmes portaient des lunettes !

D'indécryptables borborygmes semblent sortir de sa bouche. Cela ne veut décidément rien dire. Tout juste ces bruits mous évoquent-ils pour moi les beuglements amphigouriques de bovidés pris de boisson qui s'échappaient du tourne disques de ma grande sœur, lorsque j'y passais trop lentement ses quarante-cinq tours de Shella : Une improbable pâte sonore dont la consistance évoluait entre celle de la purée en flocon et du lisier de porc.

- Gleuha… gleuha… gleuha…

Vous pouvez répéter s'il vous plaît ?

- Gleuha… gleuha… gleuha…

Rien à faire, je n'en tirerai pas davantage aujourd'hui.

Fantômas s'éloigne pour retourner danser autour de moi avec ses petits camarades, avant que tous ne disparaissent à la queue leu-leu en s'enfonçant dans une paroie blanche.

 

 

 

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Publié dans Litterature

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P
Comme le bébé qui vient de naître !
Répondre
B
<br /> <br /> C'est effectivement un point de vue !<br /> <br /> <br /> Pour avoir eu la chance d'assister à la naissance de mes enfants, j'ai cru remarquer que c'était assez sportif... surtout pour la mère à qui l'on demande souvent de pousser alors<br /> qu'elle semble déjà avoir tout donné de ses forces et même au-delà...<br /> <br /> <br /> Norbert<br /> <br /> <br /> <br />