Les femmes de ma vie

Publié le par bienvenuechezlesfous

 

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         Il y a dans la grande salle à manger l'habituelle agitation des petits matins médicamenteux.

Un panel représentatif de tout ce qui se concocte en matière de pharmacologie à usage psychiatrique et un trombinoscope digne du casting de Vol au-dessus d'un nid de coucou.

Une dame que je n'avais pas encore vue au sein de notre aréopage fait son entrée en serrant à deux mains un sac qu'elle a sûrement piqué à la queen Elisabeth, mais qui ne s'assortit pas complètement avec ses yeux hagards, sa bouche tordue vers la droite, d'où s'échappe une coulure de salive, et son élégante chemise de nuit jaune pipi.

Mon vis-à-vis se retourne pour apercevoir la nouvelle venue. Sans doute une légère marque de surprise a-t-elle dû s'inscrire sur mon visage pour qu'il pût supposer que le spectacle que je découvrais méritait l'effort d'un coup d'œil par-dessus son épaule. Il me regarde de nouveau. Il n'ajoute rien au long soupir qu'il laisse échapper après un haussement d'épaules impuissant.

- Et toi, t'es là pourquoi ?

Aux mêmes questions, j'offre les mêmes réponses d'un discours presque bien huilé à force de répétitions: Menaces réalistes de suicide. Serais certainement arrivé à mes fins, et à ma fin, sans les interventions courageuses et conjuguées de celles qui sont doublement devenues les femmes de ma vie : mon épouse et ma fille.

Elle a dix-sept ans et je m'en voudrai toujours de lui avoir donné une image de père aussi peu glorieuse.

Je les trouve bigrement fortes toutes les deux etc. etc. …

Et lui aussi raconte : Le boulot perdu et la chute dans l'alcool, dans un ordre difficile à définir avec certitude.

La dépendance. Les amis qui s'éloignent, les copains de beuverie heureusement toujours plus nombreux, les tentatives presque réussies de s'arrêter seul définitivement, les rechutes dont on sort avec envers soi-même un dégoût plus lourd que les gueules de bois, les filles qui ne font plus rien en classe, ce dont on se moque éperdument avec l'aide de quelques verres, les engueulades, la violence qui monte, les verres qu'on brise, les menaces de divorce et la décision d'essayer encore une fois d'arrêter, mais avec une aide, cette fois.

- Cet après midi, je vais à une réunion d'information sur la cure.

- Je suis au courant. J'ai vu l'affichette sur le panneau.

- On m'a donné des papiers sur la cure, si ça t'intéresse…

- Ouais, pourquoi pas ? Moi, j'ai du bol, je ne bois quasiment pas d'alcool. Quand je prends une flûte de champagne à Noël, ça me monte si vite à la tête que ça fait rire mes gosses. Mais ça m'intéresse quand même.

- Je te les passerai.

Encore la merveilleuse solidarité des épaves en sursis.

Si tous les fous du monde pouvaient se donner la main…

Encore une petite rengaine connue.

 

 

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Publié dans Litterature

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P
<br /> Bonjour,<br /> <br /> Le livre dont je fais référence est:<br /> "Où on va papa ?" de Jean-Louis Fournier aux Éditions Stock ( Prix Fémina 2008 )<br /> <br /> Pour joindre mon site cliquez sur le lien punch-frappe, en bas du commentaire.<br /> <br /> @+<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Re bonjour<br /> <br /> <br /> Je n'ai pas lu ce livre de JL Fournier, mais je considère que me comparer à lui est plutôt flatteur.<br /> <br /> <br /> Je me souviens avoir passé quelques bons moments à la lecture du CV de dieu qui'l a aussi écrit.<br /> <br /> <br /> Je file sur votre blog<br /> <br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> <br /> Norbert<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Il y a un livre qui réunit tous ces écrits ?<br /> Cela me rappelle un auteur à succès que j'ai lu récemment, mais ce que vous faites est plus introspectif et beaucoup mieux écrit.<br /> Si ce n'est pas encore fait lancez-vous !<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Bonjour Punch-frappe<br /> <br /> <br /> En premier lieu permettez moi de vous remercier pour ce commentaire on ne peu plus flatteur qui me fais tout particulièrement chaud au coeur. Je suis très content que mes bavardages vous aient<br /> fait passer quelques bons moments et espère qu'ils vous en procurereont d'autres.<br /> <br /> <br /> Il s'en faudrait de peu pour que mes chevilles prennent une ampleur qui ne devrait rien à un quelconque eudème si ce n'est celui de l'égo dont je ne crois pas qu'il soit encore répertorié. Quelle<br /> idée aussi de loger l'égo dans les chevilles !<br /> <br /> <br /> J'aimerais également beaucoup que des éditeurs aient sur mes textes le même avis bienveillant que vous, ce qui pour l'heure n'a pas encore été le cas, mais je persévère dans ma<br /> recherche ...<br /> <br /> <br /> Par ailleurs je suis extrêmement curieux du livre auquel vous faites allusion dans votre commentaire, et si cela était possible, je vous serais reconnaissant que vous m'en communiquiez le<br /> titre.<br /> <br /> <br /> Deux choses encore : puisque mon blog vous a plu, n'hésitez pas à le faire connaitre autour de vous auprès de personnes dont vous pensez qu'il pourrait les intéresser.<br /> <br /> <br /> Enfin, peut-être êtes-vous aussi blogueur ? Je serais dans cas très content de pouvoir vous rendre visite.<br /> <br /> <br /> Au plaisir de vous lire<br /> <br /> <br /> Norbert<br /> <br /> <br /> <br />